Madeleine Morize
Les flocons, loin du ciel sévère,
S'en sont allés, tout
en dansant,
Bien pressés d'atteindre la terre
Qui les attiraient
doucement.
Menant une ronde joyeuse,
Ils semblent un duvet léger
Echappé d'une aile soyeuse
Et que le vent fait voltiger.
Petits et
clairs, dans la tourmente,
Ils ont l'allure de lutins
Qui se frôlent
dans la descente
Aussi caressants que mutins.
Mais la glace emprisonne
et gèle
Les jolis flocons blancs si fous.
La mort étend sur tout son
aile.
Cœurs qui souffrez, endormez-vous !
Et maintenant,
dans le mystère,
Sous l'épaisseur du manteau blanc,
C'est le grand
travail de la terre !
Elle prépare dans son flanc
Toutes les
richesses futures :
Les fleurs si douces du printemps,
De l'été,
les vertes ramures,
De l'automne, les tons ardents.
Et pourtant, elle
semble morte ;
Les charmes sont ensevelis ;
Chaque neige que
le vent porte
Du linceul alourdit alourdis les plis.
Cette blancheur
s'immobilise
Sous le ciel gris, en contours flous
Et toute forme est
imprécise
Oh ! Cœurs qui dormez, rêvez-vous ?
Mais
voici que dans la nature
Viennent à passer des frissons.
Peu à peu s'en
vont la froidure,
La neige pâle et les glaçons.
Ecartant son voile
superbe,
La terre apparaît et sourit ;
Des rubans d'eau courent
dans l'herbe
Qui, sous leurs baisers, reverdit.
Et, là-bas, voilà que
s'éveille
La voix profonde des forêts
Et que s'ouvre, pure merveille,
La clochette des blancs muguets.
La vie, en tout, fleurit et chante
Et l'air est infiniment doux.
Il se lève une aube charmante.
Cœurs qu'on croit morts, réveillez-vous.
(Mars 1917)