La vieille maison abandonnée

Le mur est gris, la tuile est rousse,
L'hiver a rongé le ciment ;
Des pierres disjointes la mousse
Verdit l'humide fondement
 
La porte où file l'araignée,
Qui n'entend plus le doux accueil,
Reste immobile et dédaignée
Et ne tourne plus sur son seuil. 
 

Les volets que le moineau souille
Détachés de leurs gonds de rouille,
Battent nuit et jour le granit,
Les vitraux brisés par les grêles
Livrent aux hirondelles
Un libre passage à leur nid !
 
De la solitaire demeure
Une ombre lourde d'heure en heure
Se détache sur le gazon :
Et cette ombre, couchée et morte,
Est la seule chose qui sorte
Tout le jour de cette maison !
 
A l'heure où la rosée s'évapore
Tous ces volets fermés s'ouvraient à sa chaleur,   
Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore,
Les nocturnes parfums de nos vignes en fleur.
 
La mère de sa couche à ces doux bruits levée,
Sur ces fronts inégaux se penchait tour à tour,
Comme la poule heureuse assemble sa couvée,
Leur apprenant les mots qui bénissent le jour.
 
Moins de balbutiements sortent du nid sonore,
Quand au rayon d'été qui vient la réveiller,
L'hirondelle au plafond qui les abrite encore,
A ses petits sans plume apprend à gazouiller.
 
Et les bruits du foyer que l'aube fait renaître,
Montaient avec le jour, et dans les intervalles,
Des aboiements du chien qui voit sortir son maître
Les claviers résonnaient dans le chant des cigales.

Alphonse Lamartine 

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