Marchand de mouron

On a déjà écrit bien des livres sur les chasseurs de plantes des forêts tropicales qui, au péril de leur vie, vont chercher les orchidées rares et les liliacées décoratives. On en pourrait écrire presque autant sur les pauvres diables qui doivent chercher leurs moyens d'existence dans la maigre flore parisienne. Non pas en décrivant les dangers courus qui, ici, sont pour ainsi dire nuls, mais en racontant leur mode de vie ; tous, malgré la médiocrité de leur condition, sont des indépendants, on les croit des paresseux,  il n'en est rien et, en utilisant l'activité qu'ils déploient dans un métier salarié par un patron, ils vivraient grassement. Heureusement pour eux, toutes les plantes ne poussent pas en même temps ; cela leur permet de  gagner de quoi vivre à peu près toute l'année.

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Il n'y a guère qu'une plante que l'on rencontre en toutes saisons, c'est le mouron des oiseaux qui constitue le fonds le plus solide des petits commerçants dont nous parlons.

(Dans les petits métiers perdus, relevons le "mouronnier". Celui qui va cueillir du mouron pour le vendre - Larousse universel 1923)
   

On en trouve partout, dans les endroits les plus incultes, le long des murs, sur le bord des chemins qu'il égaie par ses touffes gazonnantes émaillées de fleurs blanches. Mais la corporation des marchands de mouron est si nombreuse à la fin du 19e siècle (on dit qu'elle se chiffre par deux mille membres)  que les environs immédiats de Paris ne tardent pas à être mis à sac. Il faut alors en chercher plus loin, souvent jusqu'à plus de vingt kilomètres.

Les uns se contentent d'emporter avec eux des bâches où ils mettent la récolte au fur et à mesure et ils rapportent les ballots sur leur dos !

Ces camelots  en rapportaient parfois, l'homme et la femme réunis, jusqu'à quatre-vingts kilos . Il est vrai que, pour rentrer dans la capitale, ils prenaient le train, comme des sybarites, mangeant ainsi, - c'est le cas de le dire, - leur récolte en herbe. Les autres emmènent avec eux une brouette ou même une voiture à bras ; ceux-là sont les « gros commerçants » qui n'en sont pas plus fiers pour çà, car, obligés de revenir "pedibus" , ils se voient parfois contraints de loger à la belle étoile.

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Tous, d'ailleurs, ne peuvent faire une récolte très abondante, car le mouron n'est vendable que trois, quatre ou cinq jours au plus après la cueillette. Bien que se fanant relativement moins que les autres plantes, il finit, surtout pendant les chaleurs, par prendre un aspect lamentable ; le client n'en veut plus, craignant de faire injure à ses chers petits zoziaux en leur offrant une marchandise avariée. Ceux qui récoltent le mouron  (c'est encore une caractéristique du chasseur de plantes)  le vendent eux-mêmes au public.

Ils le mettent dans des hottes ou  des paniers et parcourent les rues en criant la chanson classique : « Voilà du mouron pour les p'tits oiseaux » ! Ou encore ce cri où se révèle l'âme sentimentale des Parisiens : « Régalez vos petits oiseaux » !

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Le mouron est particulièrement abondant en été ; les marchands ont alors toutes les peines du monde à écouler leur marchandise à raison de un sou la botte.  Ils préfèrent l'hiver où ils vendent deux sous la botte la plus insignifiante ; il est vrai que la récolte dans les champs est beaucoup plus maigre et pénible. Mais, au moins, on a la satisfaction de ne pas gâcher le métier par un bon marché excessif. Chaque marchand a son quartier déterminé, qu'il conserve pour ainsi dire toute sa vie, d'abord parce que s'il allait ailleurs, il serait fort mal reçu par ses confrères, ensuite parce qu'il a ses  propres clients, qui lui font des commandes « fermes ».

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On connaît son cri joyeux ; on accourt sur le pas de la porte et, tout en vendant sa botte, il a un mot aimable pour chacun. Et je ne serais pas étonné si les serins et canaris tressaillent d'allégresse quand ils entendent :

« Du mouron pour les p'tits oiseaux ! »
« Un sou la botte ! »

(D'après un récit paru en 1902 - auteur inconnu)

Expression : "se faire du mouron"

Il s'agit en fait d'une expression argotique qui, depuis le milieu du 19e siècle, désigne... la chevelure.
Autrement dit, se faire du mouron, ce n'est ni plus ni moins que "se faire des cheveux" !

Commentaires

jeudi 1 septembre 2011 20:18

Marc brochand : Alimentation humaine

Un petit complément à apporter sur l'utilisation faite du mouron. En effet, celui-ci est comestible et était utilisé pour les soupes et salades.


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