Le liseron

Dans les blés mûrs, un soir de fête,
La jeune fille me cueillit ;
Dans ses cheveux noirs, sur sa tête,
Ma blanche étoile rejaillit.
Fleur domestique et familière,
Je m'y collai comme le lierre
Se colle au front du dahlia ;
Sa joue en fut tout embellie ;
Puis j'en tombai froide et pâlie
Son pied distrait me balaya.


Mais le matin, sous sa fenêtre,
Un passant me vit par hasard,
Se pencha pour me reconnaître,
Et me couva d'un long regard.
" Viens, dit-il, pauvre fleur sauvage,
Viens, mon amour et mon image,
Objet d'envie et de dédain,
Viens sécher sur mon cœur posée :
Mes larmes seront ta rosée,
Mon âme sera ton jardin !


Depuis ce jour, rampant dans l'herbe,
Je m'enlace autour d'autres fleurs ;
J'abrite leur tige superbe,
Et je relève leurs couleurs ;
Et quelquefois les jeunes filles
Me fauchent avec leurs faucilles,
Pour faire un nuage à leur front :
Je nais pâle et toute fanée,
Je suis lierre d'une année.
Foulez les pauvres liserons !


Alphonse de LAMARTINE

 

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