Refroidir à dessein la planète : rarement "remède" aura autant ressemblé au mal. La géo-ingénierie climatique est pourtant, plus que jamais, à l'ordre du jour. Depuis environ trois ans, les technologies présumées capables de contrecarrer les effets du changement climatique à venir suscitent une abondante littérature sur les solutions envisageables.
Gardons nous de tout enthousiasme. A partir des données disponibles il faut évaluer la faisabilité, les bénéfices potentiels et les coûts de ces différentes technologies ainsi que les risques - parfois considérables - présentés par certaines d'entre elles.
"A défaut de réduire grandement nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), nous allons vers un futur climatique très inconfortable, et la géo-ingénierie sera la seule option pour limiter l'augmentation des températures", a déclaré l'océanographe John Shepherd (université de Southampton, Royaume-Uni), président du comité d'experts mandatés par la Royal Society. "Nos travaux montrent que certaines techniques de géo-ingénierie pourraient avoir des effets imprévus et nuisibles pour certaines populations et certains écosystèmes", a-t-il ajouté. Ces effets collatéraux, "pourraient être le prix à payer" en cas d'échec des tentatives de limitation des émissions humaines de gaz à effet de serre.
Le groupe d'experts de la Royal Society a audité une large gamme de techniques distinctes, classées en deux catégories :
Selon l'analyse de la Royal Society, les deux méthodes techniquement réalisables comportant le plus de risques sont, dans l'état actuel des connaissances, la fertilisation des océans (par des particules de fer) et la dispersion en haute altitude de composés soufrés chargés de réfléchir une part du rayonnement solaire. Quant aux méthodes présentant le moins de risques (reboisement, augmentation de l'albédo des zones urbaines, etc.), elles sont aussi les moins efficaces.
Globalement, dans le cas des techniques de capture et de séquestration de carbone, note le rapport, "il y a inévitablement un délai de plusieurs décennies avant qu'elles n'aient un effet discernable sur le climat". Les seules techniques capables de fournir un effet tangible très rapidement après leur déploiement sont celles visant à occulter une part du rayonnement solaire.
Pour preuve, l'éruption du Pinatubo, en juin 1991 : l'explosion volcanique avait projeté de grandes quantités de particules aérosols dans la stratosphère. L'année suivante, la température moyenne de la basse atmosphère terrestre avait chuté d'environ 0,5 °C. Bien que risquée, cette technique présente, selon la Royal Society, le meilleur rapport entre magnitude des effets et coût de revient.
Les seuls moyens aujourd'hui disponibles pour lutter contre le réchauffement sont la limitation des émissions et la préparation aux changements qui sont d'ores et déjà inéluctables, estime le climatologue Hervé Le Treut, directeur de l'Institut Pierre-Simon-Laplace (IPSL). Pour autant, le terme de géo-ingénierie est employé dans une acception très vaste. Il recouvre des technologies éprouvées réunissant un assez large consensus - comme la capture et la séquestration géologique de carbone - et des procédés beaucoup plus incertains et hasardeux, comme la diffusion d'aérosols dans la stratosphère."
Les obstacles ne sont pas seulement de nature scientifique ou technique, ils sont aussi d'ordre diplomatique. Comment organiser des négociations multilatérales visant à déployer une géo-ingénierie touchant l'ensemble du système climatique et affectant chaque région de manière spécifique ? Qui aura la main sur le thermostat et décidera de ce qui doit être la "température moyenne terrestre idéale" ? Il n'est pas certain que ces questions trouvent jamais de réponse, mais la Royal Society engage, malgré tout, à se les poser sérieusement.
Source : d'après Le Monde.fr
"Les autres d'abord !" entend-on partout. Il y a vraiment de quoi être très pessimiste. Et que veut dire le pessimiste quand il s'agit de quelque chose de crucial ?