Des pompiers avant les pompes

Peut-on parler de pompiers avant l’emploi de pompes ?
Oui, si l’on se réfère aux principaux dictionnaires, dont celui de l’Académie française, qui les définissent, au sens général, comme  « des hommes chargés de porter secours en cas d’incendie… ».
L’improvisation n’a fait place à des groupes organisés à l’avance et visés par des textes qu’à partir du moment où un pouvoir suffisamment structuré assura l’ordre et la sécurité dans des agglomérations devenues assez conséquentes pour abriter des meubles de valeur (outillage, armes, objets d’art, mobilier…) dans des bâtisses érigées autour de l’église ou de la cathédrale, enserrées dans des fortifications. En effet, organiser la lutte contre le feu dans un village de quelques huttes aussi vite construites que démolies, habitées par un clan très cohérent, était superflu car tout le monde accourt ;  il n’est que de lire les récits des ethnologues concernant des groupes humains vivant encore à l’état « primitif ».

Des Vigiles en France

On relève à Nîmes la charge de rang inférieur de « proefectus vigilum et armorum » c’est-à-dire des vigiles et des armes.
Une inscription romaine du musée dauphinois, datée de 269, dit qu’un préfet des vigiles commandait une « vexillatio » en Narbonnaise.
La nature et le rôle exacts de ces préfectures restent toutefois encore énigmatiques et bien des hypothèses ont été émises : simple service de police lié au jeu, service de veille nocturne, service de lutte contre le feu à l’instar de ce qui avait été mis en place à Rome ?

Premières mesures

Des ordonnances, bans, chartes, édits… imposèrent précocement des mesures de prévention.
Si le couvre-feu est une disposition des plus connues, l’interdiction d’allumer du feu dans une pièce d’habitation, sur une plaque de fer ou à même le plancher, surprend.
La cheminée resta le meilleur moyen pour se chauffer et cuire les aliments. Longtemps faite de quatre montants de bois joints de lattes recouvertes de torchis, elle propageait facilement le feu, aussi était-elle surveillée : commissaires les visitant à Nevers dès 1395, édits des gouverneurs de Besançon en 1424 interdisant ce type de construction. A Lille, en 1408, des maçons assermentés et rétribués les inspectaient. Le ramonage devait être annuel à Dijon en 1669 etc…
L’alimentation en eau, seul agent extincteur à l’époque, était primordiale et on imposait de conserver des baquets pleins d’eau devant chaque maison, en attendant la construction de réservoirs (en 1683, le chapitre de Chartres envisagea d’en construire quinze, en cuivre rouge, dans les parties hautes de la cathédrale, sorte de « grand secours » jamais réalisé faute d’argent). On installa des fontaines, des bassins publics, des lavoirs, on posa des canalisations, en bois ou en plomb. Avant la pose de regards, on les crevait après avoir défoncé la chaussée pour former une mare servant à alimenter la chaîne. La détention d’un nombre de seaux en rapport avec la fortune des propriétaires, l’obligation de laisser accéder aux puits forés dans les cours intérieures étaient des mesures d’ordre général. Les seaux furent longtemps l’un des seuls moyens de lutte contre l’incendie. Avec l’aide de la population, tout le village faisait la chaine du point d’eau jusqu’au lieu du sinistre.


L’interdiction faite aux charcutiers de flamber les porcs dans la rue, de tirer des fusées d’artifice, d’allumer des feux la veille de la Saint-Jean était fréquente.
Les couvertures en chaume ou en paille furent réglementées, voire interdites en ville, comme à Troyes (1693).


Dans les ports, tel Marseille, les échevins se préoccupaient des manipulations de poix, de toile de voile, de poudre à canon. Même une compagnie privée, celle des Indes en l’occurrence, qui avait laissé s’édifier des baraquements à côté de ses chantiers navals de Lorient fit en 1692… très expresse défense à tous afin d’empêcher les accidents de feu de tenir chandelle allumée, passé huit heures du soir…

Premiers pompiers

C’est à partir du Moyen Age que des citoyens furent requis. Il y avait d’une part les « chefs » soit les édiles eux-mêmes (magistrats, échevins, capitouls…) soit des fonctionnaires délégués (lieutenant, fourrier, commissaire…) et d’autre part les « pompiers », citadins disponibles, faciles à rassembler, de préférence spécialisés.

En 1254, afin de satisfaire la demande de ses protégés, Saint Louis, de retour de croisade, organisa le guet subdivisé en deux parties :
- le guet royal militaire   qui assurait la sécurité des parisiens par des rondes et patrouilles.
- le guet « assis » composé essentiellement d’artisans et métiers du bâtiment et désigné ainsi parce qu’il occupait des postes fixes. Il se tenaità la disposition du guet royal et intervenait à sa demande plus particulièrement en cas d’incendie.
A cette troupe officielle et royale et à ses supplétifs du guet « assis », s’ajoutaient, en cas de sinistres importants, les moines des ordres mendiants : Capucins, Cordeliers, Jacobins, Augustins et Carmes.
Volontaires du feu, ils constitueront pendant longtemps la troupe la plus dynamique, la plus désintéressée et la plus sûre.

Citons quelques villes à titre d’exemples : Douai (ban de 1247 ordonnant aux connétables d’établir les moyens nécessaires à combattre le feu, tant en hommes qu’en matériel). Metz (charte du 30 janvier 1299 accordant des privilèges aux tonneliers en considération des secours qu’ils portent dans les incendies), Bordeaux (délibération de la jurade - notables et magistrats- en 1406 organisant les secours à partir des bouviers, maçons, charpentiers…), Besançon (édit de 1524 créant une escouade de gardes du feu sous les ordres d’un capitaine).


On pouvait aussi faire appel à une milice ayant une fonction de maintien de l’ordre à laquelle s’ajoutait celle de la lutte contre le feu. Les moines, quand existait une communauté nombreuse, apportaient leur aide, à moins qu’elle ne leur fût imposée, l’implantation du couvent étant subordonnée à leur intervention.


Pour sacrifier à la tradition, n’oublions pas de signaler que quelques villes mobilisaient les filles de joie pour faire la chaine, simplement parce qu’on les savait chez elles en permanence !

Matériel

Désigné sous le mot « ustensiles » il se composait de :

  • Civières, sortes de brancards destinés à transporter les ustensiles de l’arsenal au lieu du sinistre et de charrettes à bras,
  • Tonneaux d’eau, ou tonnes, énormes baquets en bois montés sur un chariot tiré à bras ou par un cheval,
  • Seringues, appelées « pompes à main » dans les textes d’époque, ce qui a trompé bien des copistes. C’était d’énormes clystères en bois, en métal, munis ou non de poignées latérales pour que deux hommes puissent les tenir et diriger leur jet pendant qu’un troisième poussait le piston. Vers 1500 une seringue de la cathédrale de Troyes, en bronze, longue de 72 cm, d’un diamètre de 24 cm contenant environ trois litres d’eau fut décrite dans une publication de l’abbé Coffinet.
  • Crochets ou crocs, simples, doubles, emmanchés à une perche de bois pouvant atteindre huit à dix mètres, servant à agripper des poutres ou des pans de murs chancelants pour les abattre,
  • Echelles de fer, d’un seul plan,
  • Cordages en chanvre de diamètre et de longueur divers,
  • Eponges mouillées, fixées à une longue perche,
  • Seaux dont l’appellation a varié au cours des temps et selon les régions ( seel au 12e siècle, seilleau, siau, barrates, siaulx ou tines à Lille, scillot à Montbéliard…).  Leur conception évolua en cuivre, lourds et chers tout d’abord, puis en bois cerclés de fer, en cuir bouilli d’une seule ou de plusieurs pièces cousues latéralement et au fond (à partir de 1250 – 1300). Leur forme allait du simple cylindre au tronc de cône, moyen astucieux pour éviter les pertes d’eau pendant le passage rapide entre les mains de la chaîne. Ils mesuraient de 30 à 40 cm de haut et contenait une vingtaine de litres (toute maison de cinquante livres de revenu devait fournir un seau) et à des corporations, à des communautés religieuses. Le cuir restant un matériau onéreux on passa au panier d’osier d’ont l’intérieur était enduit de poix. Leur remplacement par des seaux en toile à voile vers 1830 pliables et rangeables dans un sac suspendu à la pompe à bras marqua le stade ultime de leur évolution. Un seau en toile ne se cassait pas en tombant d’un toit comme cela arrivait à un seau de bois, par contre il était difficile  et plus long de le remplir en le descendant au fond d’un puits !


Source : La grande histoire des sapeurs-pompiers –  Joan Deville – Ed. Ouest-France

Ville de Paris

En 1716  Une ordonnance royale réglemente l'entretien des pompes à eau à Paris et nomme un Directeur des pompes, chargé de l'organisation des secours en cas d'incendie. Jusqu'alors le soin de la lutte contre le feu était assuré par la population elle-même.

En 1810, Napoléon remplacera les garde-pompes de la ville de Paris par un bataillon de sapeurs-pompiers qui sera désormais militarisé, caserné et portera l'uniforme.

En 1967, le corps des sapeurs-pompiers de Paris sera érigé en brigade de l’arme du génie. Leur devise :" Sauver ou périr.

Commentaires

mardi 21 février 2012 10:33

Jackie : très bien

Mon fils veut devenir sapeur-pompier et j'ai trouvé votre texte intéressant pour qu'il connaisse les origines des combattants du feu.


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