Mis à jour 25/12/2012 19:09 - Crée le 24/05/2006 08:48

Marées noires

Depuis quelques dizaines d'années, les gens sont nombreux à s'indigner et à protester contre la pollution incessante du littoral marin, qu'ils soient riverains, pêcheurs ou touristes... Devant un tel désastre écologique, ils montrent le nouveau visage de l'océan tel qu'il est devenu depuis une quarantaine d'années. Des journalistes de tous les bords montrent les images des plages polluées, d'oiseaux mazoutés et la peine générale des riverains.  (photo OCHIK Rémi)

Mais le terme "marées noires" est désormais rentré dans le rang de catastrophe habituelle, il n'est plus exeptionnel de voir des pétroliers se fendre en deux ou s'échouer, déverser leur cargaison gluante dans tous les océans du monde. Le bilan se retrouve partout, bien visible : toute la surface océane est marquée par la trace des nappes toxiques d'hydrocarbure. La mer souffre et meurt lentement, car le business des pétrodollars permet aux pays occidentaux de vivre en consommant de toute part du pétrole.

Qu'il aille dans nos voitures, qu'il serve à produire de l'énergie électrique, des vêtements ou des plastiques, des médicaments ou tout autre dérivé, le pétrole est un élément nécessaire à notre prospérité économique, mais nous le gaspillons. Qu'il soit brûlé pour finir dans l'atmosphère, contribuant au changement climatique, qu'il finisse dans la mer ou sur nos côtes, cette ressource est considérée comme pratiquement infinie, éternelle...

La catastrophe de l'ERIKA

Elle nous nous offre une ouverture sur le monde de la complaisance et des paradis fiscaux, sur le petit monde des armateurs millionnaires, peu enclins à débourser le moindre centime. D'abord comment ces pavillons de complaisance se sont implantés, souvent avec l'aval des pays "développés"? Le Liberia, Malte, Bermudes et Panama ne sont que les plus médiatisés de ces pays sans loi, sans couverture juridique ni fiscale.

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La complaisance est aujourd'hui un moyen sûr de rentabiliser son navire, avec des coûts fiscaux bien moins importants, une déréglementation du travail qui permet aux esclavagistes de recruter dans des pays pauvres de "bons" employés, pour un travail de titan et une paye de misère. C'est également un moyen de faire circuler des épaves flottantes que beaucoup n'accepteraient pas, utilisant les bateaux jusqu'au naufrage, ce qui finit par créer une flotte de papi-pétroliers de 20 ans de moyenne d'âge.

Enfin, le plus grand avantage reste de pouvoir se déresponsabiliser en créant une société par navire, qui rend le propriétaire insolvable en cas de naufrage, et la création de multiples sociétés écrans, à l'image des circuits mafieux dans l'unique but de créer un voile sur les transactions financières entre les parties.

Il est intéressant de comprendre également comment fonctionne la sécurité maritime, censée nous protéger de ces navires dangereux.

Tout d'abord, il y a les autorités portuaires du pays, qui peuvent à leur gré arrêter les bateaux qu'ils souhaitent, et réclamer des réparations à l'armateur. Ces autorités veillent sur les bateaux dans le but de protéger leurs côtes, et font de la prévention.
Malheureusement, comme en France, ces contrôles sont insuffisants, personne ne peut contrôler l'état de la coque sans mettre le bateau en cale sèche et bien souvent, il repart quand même, avec une promesse naïve de réparations qui ne se feront qu'avec l'agrément de l'armateur.

Ensuite, il y a les sociétés privées de classification. Elles garantissent l'état du navire et délivrent un certificat de navigabilité au bateau, après s'être assurés du bon état général. Le système a aussi ses failles, dans certains cas les experts peuvent se faire acheter le certificat, les réparations ne sont pas toujours effectuées selon les prescriptions (l'acier coûte cher) et puis surtout, comme les armateurs choisissent leur société de classification, il est possible pour eux d'en changer si leurs expertises sont trop agressives. Finalement, les bateaux sont dans un tel état que les normes sont obligées d'être rabaissées au minimum, pour qu'elles puissent mettre en conformité la majorité des bateaux.

Une instance internationale veille au bon déroulement des choses, il s'agit de l'OMI (organisation maritime internationale). Son pouvoir est résumé dans son budget, n'équivalant pas même l'achat d'un pétrolier neuf. Elle est régie par les états maritimes, à proportion du tonnage de la flotte nationale, donc par les pavillons de complaisance. Il n'y a rien à attendre d'elle tant que ce principe sera en place. Le Liberia, Panama ou Malte, trois pays représentant 40% de la flotte mondiale n'ont rien à faire de la sécurité maritime, leurs représentants sont souvent des cabinets d'avocats et non des marins.

Enfin l'affréteur : Ce nouveau nom (qui traduit volontairement mal leur importance) que portent maintenant les sociétés transnationales du pétrole est expliqué par les crises pétrolières de 1976 et 1980. Avant les compagnies avaient leur flotte et le pétrole circulait dans leur navire. Le système n'était pas parfait mais au moins les bateaux étaient plus fiables, les marins expérimentés. Après ces crises, les compagnies doivent faire face à un dédain d'intérêt des états dans leur politique pétrolière. Ne sachant que faire de ces navires devenus inutiles, elles les vendirent à des armateurs indépendants. Depuis elles ont complètement laissé de coté le transport.

Quel est leur rôle dans le cycle du pétrole ?

Elles occupent une place de choix, tout d'abord en s'appropriant les gisements aux quatre coins du monde, ce qui a pour conséquence immédiate la corruption des autorités politiques locales et la déportation des populations gênantes. Là-bas, elles n'ont pas le prestige qu'elles tentent de se donner chez nous et sont prêtes à beaucoup pour le contrôle des ressources. Le pétrole est ensuite confié à l'armateur le moins cher, concurrence oblige en dépit des risques que cela implique, elles reposent leurs responsabilités sur eux seuls en cas de marée noire, comme dans le cas de l'ERIKA, ou Total a dit après le naufrage qu'il incombait à l'armateur seul de rembourser tous les dommages, irresponsabilité totale... Le raffinage du pétrole à la conception des différents produits est aussi de leur ressort, et la vente du produit essence se fait avec une belle marge. Les compagnies pétrolières sont donc les milliardaires du pétrole, pour exemple Totalfina réalisait en 1999 un bénéfice net de 60 milliards de francs, largement de quoi influencer...

Le système ne peut-il pas pas changer ?

C'est un cycle ou le seul mot d'ordre est : faire des bénéfices.
Que ce soit l'armateur qui brade son bateau pour vivre, que ce soient les organismes de classification qui cherchent à avoir des clients, que ce soient les compagnies pétrolières qui n'échappent pas à cette règle, ou bien tout simplement l'état, qui en taxant sévèrement le carburant s'assure des recettes qui lui permet de redistribuer ailleurs. Il n'y a pas de solutions car le système tourne dans le vide : l'état ne peut se passer de ces taxes, les compagnies veulent survivre, et donc écraser leurs concurrents, elles n'ont pas d'autre choix que de vendre du pétrole sinon d'autres prendront leur place, et les armateurs doivent avoir des bateaux pour transporter ce pétrole.

Ainsi, on ne peut pas dire : fermez les pavillons de complaisance et achetez des bateaux neufs et plus sûrs. D'une part, il faudrait les construire, ces bateaux providentiels; d'autre part, ce ne serait que déplacer le problème d'une dizaine d'années, les double-coque ne sont pas la parade : un double coque mal entrenu n'est pas meilleur qu'un simple coque. Actuellement ils sont neufs et beaux mais ils peuvent devenir "explosifs" au bout de quinze ans.

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