La connaissance du milieu naturel
La première démarche du forestier consiste à analyser le milieu en vue d’identifier et de cartographier tous les éléments naturels et notamment les éléments remarquables, rares ou menacés. Sa connaissance séculaire de l’espace forestier s’est enrichie depuis peu d’inventaires scientifiques spécialisés tels que les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique ou les zones d’intérêt communautaire pour la sauvegarde des oiseaux. À ce stade de l’analyse, il est bien évident que les progrès de la science en général et de l’écologie en particulier, ainsi que le perfectionnement des outils sont des atouts précieux pour le forestier qui sait intégrer ces nouvelles données.
En fonction de l’étude du milieu et de celle effectuée parallèlement sur les besoins économiques et sociaux que la forêt doit satisfaire, l’aménagement fixe les règles de gestion qui, même lorsque l’objectif environnemental n’est pas jugé prioritaire, doivent favoriser la protection de la diversité biologique. Ainsi, « l’objectif du maintien ou du développement de la biodiversité s’étend à l’ensemble du domaine géré et influe sur tous les actes de la gestion courante ».
Le premier souci du forestier est alors de maintenir des éléments jouant un rôle écologique fondamental, si besoin est, en les préservant de l’évolution naturelle de la dynamique forestière qui les ferait disparaître. On veillera ainsi à mélanger des essences forestières, à préserver les vieux arbres, les arbres morts ou creux qui constituent le biotope privilégié de certaines espèces qui leur sont inféodées, à préserver les clairières et lisières qui abritent elles aussi des écosystèmes spécifiques, etc.
Enfin, dès lors qu’un site présente une rareté, une richesse ou une fragilité exceptionnelle, celui-ci peut être érigé en réserve biologique dite « domaniale » ou « forestière ». La réserve est dirigée lorsque les interventions (ou la non-intervention) sont dirigées dans un objectif de protection bien déterminé. Elle est intégrale dès lors que toute intervention humaine est proscrite, ce qui laisse place à un véritable laboratoire d’observation scientifique sur l’évolution naturelle et spontanée de la nature.
Avant 1991, l’article L 133-1 du Code forestier ne portait que sur l’obligation d’aménager les forêts publiques. Certes, bien avant 1991, des textes rappelaient aux forestiers leur obligation de prendre en compte l’environnement. Alors que le droit évolue autour de lui, le Code forestier n’a pourtant pas besoin d’être modifié pour rappeler aux forestiers leur rôle de protecteurs de la nature.
À l’inverse, on notera que les propriétaires des forêts privées ont l’obligation « d’assurer l’équilibre biologique du pays ». Il ne faut pas, toutefois, y voir la crainte des pouvoirs publics que les propriétaires forestiers privés ne privilégient leurs intérêts économiques au détriment de la préservation de l’environnement. La différence rédactionnelle ne tient en réalité qu’aux préoccupations du législateur au moment de l’élaboration des textes. En 1827, lors de l’adoption du Code forestier, la qualité de l’environnement ne représente pas encore une préoccupation majeure de la société française. Il en va tout autrement, on s’en doute, lorsque le législateur définit en 1963 le cadre juridique de la gestion des forêts privées.
En définitive, l’aménagement forestier est une démarche exemplaire qui trouve ses racines dans des siècles d’histoire forestière tout en s’adaptant naturellement aux exigences et réalités d’un monde moderne avide de protection écologique. Alors qu’il s’attache à la production lorsque la forêt est menacée et que le bois constitue un matériau de première nécessité, il se tourne vers l’accueil du public lorsque l’homme, devenu citadin et coupé de la nature, revient vers la forêt pour ses loisirs. Aujourd’hui, l’aménagement forestier constitue l’un des garants de la protection de la biodiversité et de la gestion durable.