Située près de Sarlat, cette commune possède au lieu-dit Calpalmas un ensemble très intéressant de cabanes "ou bories". Il s'agit d'annexes agricoles du 19e siècle ayant pour particularité d'être couvertes d'une voûte en pierre sèche revêtue d'une couverture en lauzes.

Elles dépendent de la ferme voisine. Inscrites au Monuments Historiques en mai 1995. Visite payante.
Source : www.petit-patrimoine.com

Les bâtisseurs en pierre sèche

A - Les bâtisseurs en pierre sèche

L'auto-construction très économique de bâtiments en pierre sèche destinés à un usage temporaire ou saisonnier apparaît comme une pratique courante dans les couches modestes de la paysannerie, du cultivateur à l'éleveur mais aussi chez divers autres représentants du monde rural.

1. Vignerons
Le propriétaire d'un clos de vigne est par excellence le bâtisseur en pierres sèches. Le matériau ne manque pas, extrait qu'il est à chaque nouvelle plantation. Le clos est souvent entouré d'épaisses murailles. Un grand abri, quelquefois couvert de lauses, une guérite voutée par deux encorbellements opposées et divers autres aménagements réservés dans l'épaisseur des murs, composent un ensemble fonctionnel.

Plus qu'aux activités pastorales, avec lesquelles certains ont trop tendance à l'associer, la construction à sec est liée aux activités viticoles.

2. Manouvriers-défricheurs
Autres grands constructeurs à pierre sèche, les manouvriers, engagés dans des travaux de défrichement soit pour leur propre compte, soit pour celui de gros propriétaires.

L'histoire de la garrigue de Nîmes est faite des empiètements répétés sur la propriété communale par la foule des ouvriers agricoles poussés par la "faim de terre". Il semble bien que l'édification d'un enclos et d'une cabane ait été considérée par ceux-ci comme un moyen de donner à leur appropriation force de propriété. La Révolution devait entériner ces usurpations à condition de les avoir "défrichés, plantés ou enclos ou d'y avoir élevé des constructions" et de payer à la conmune une redevance annuelle.


3. Issartiers-éleveurs
Outre des vignerons et des journaliers, on rencontre, comme auto-constructeurs, des paysans possédant quelques ovins. Dans les Cévennes gardoises, des issartiers-éleveurs (défricheurs exploitant temporairement des parcelles de médiocre qualité et possédant un petit troupeau d'ovins) se construisaient des abris polyvalents.  Une cabane circulaire servait d'abri à l'issartier-éleveur tandis qu'un long couloir en avant de l'entrée servait d'enclos aux moutons lors des nuits froides.

4. Bergers
cabane berger BernardAu nombre de nos bâtisseurs, il convient de faire figurer également le berger qui, tout en gardant son propre troupeau ou celui d'autrui – communauté ou individu –, trouvait à occuper ses bras.
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, le dernier berger constructeur de cabanes dans les Monts de Lure, un dénommé Bernard, a construit dans son existence une quarantaine de petits abris, charriant lui-même les pierres tout en surveillant son troupeau.


5. Chasseurs et braconniers
Le paysan s'adonne à 1'auto-construction également en qualité de chasseur : quand il ne ménage pas dans les parois de sa cabane un ou deux regards aux parois ébrasées vers l'extérieur d'où surveiller le gibier, il peut être à l'origine d'affûts ou postes de chasse en pierre sèche spécialement conçus ne comportant pas moins de cinq à sept meurtrières.
Le braconnier, lui aussi, peut avoir sa cabane  où il cache son fusil et d'où il part pour ses "exploits".

6. Cantonniers
Dans les régions où les agriculteurs se bâtissaient des cabanes de pierre sèche, il est courant de voir les cantonniers, paysans eux-mêmes ou fils de paysans, faire appel à cette même technique constructive pour se constituer leurs abris en bordure de route.
Parfois, c'est non plus un seul cantonnier mais plusieurs qui sont à l'origine d'un édifice rudimentaire ou élaboré.
Il est évident que s'abriter était une nécessité première pour les cantonniers d'autrefois, astreints qu'ils étaient d'être sur les routes même par mauvais temps. Possibilité leur était accordée de se faire des abris, à condition, comme le précise le "Livret du cantonnier" du 18e siècle, que ceux-ci "soient en vue de la route ... afin qu'on puisse toujours constater leur présence".


7. Ouvriers-bâtisseurs
L'omniprésence, parmi les constructeurs de cabanes en pierre sèche, de représentants de la paysannerie, à côté de quelques rares amateurs distingués (châtelains, artistes...) ne doit pas faire oublier l'existence d'une autre catégorie de bâtisseurs amateurs, situés quant à eux tout en bas de l'échelle sociale mais bien plus importants numériquement, les ouvriers d'industrie.

Ainsi, dans le Gard, nombre de capitelles des garrigues de Nîmes, de Sommières, d'Uzès et de Marguerittes, furent édifiées par les ouvriers des ateliers textiles de ces villes lorsqu'ils purent devenir propriétaires de quelques arpents.Il faut savoir que dans le 2e quart du 19e siècle, les travailleurs de l'industrie textile à Nîmes représentaient le tiers de la population, estimée alors à 55 000 habitants !

L'ouvrier s'achetait un coin de garrigue qu'il défrichait, épierrait, clôturait, aménageait pour y planter quelques pieds de vigne, des oliviers et des amandiers, voire des arbres fruitiers et des légumes. La production de cet enclos lui permettait d'améliorer son ordinaire. Pour se faire un abri, plutôt que d'acheter de la brique, du bois et de la tuile hors de ses moyens financiers, il se contentait des pierres du défrichement.

Autre exemple du lien entre prolétariat et cabanes en pierres sèches, celui des ouvriers gantiers de Millau dans l'Aveyron au 19e siècle. Ces travailleurs à domicile qu'étaient les coupeurs en ganterie millavois, étaient vignerons à leurs heures de loisir, entretenant  une vigne familiale avec sa "casèle".

B - les constructeurs professionnels

Lorsque le constructeur est distinct de l'utilisateur, on a affaire à ce qu'on peut appeler les professionnels de la pierre sèche, à savoir le paysan ou le berger ayant un tour de main de maçon, le maçon ordinaire faisant à l'occasion de la pierre sèche, le maçon spécialiste de la construction à sec, le puisatier, le compagnon-maçon et enfin le carrier.

Cazelle de bergerPoint n'est besoin de se livrer à une enquête orale ou à une recherche d'archives pour discerner l'oeuvre d'un professionnel ou d'un semi-professionnel de celle d'un simple amateur. A côté de constructions frustes, rudimentaires, tenant le plus souvent de la guérite que de la cabane et dressées par des paysans à la suite d'épierrements ou par des manouvriers à l'occasion de défrichements ou encore par des bergers lors de la surveillance de troupeaux, on remarque des bâtiments d'une architecture élaborée, d'une exécution soignée, toutes choses qui attestent, chez leurs auteurs, un sûr métier de bâtisseur. La maîtrise et l'ingéniosité de ces maçons professionnels s'affirment en particulier dans la réalisation des couvrements, des encadrements et des détails d'aménagement et, partant, dans la taille et l'appareillage de la pierre, à tel point que certains édifices apparaissent comme de vrais chefs-d'oeuvre qui font de leurs créateurs de véritables "maîtres" de la pierre sèche.


1. Paysans-maçons
C'est un fait connu qu'au 19e siècle, nombre de paysans avaient un tour de main de maçon, ainsi en particulier en Limousin et en Quercy,  ce qui fait dire que "les paysans d'autrefois pratiquaient souvent un deuxième métier, d'appoint".


2. Bergers-maçons
L'existence de bergers remplissant également la fonction de maçon est évoquée  en Ariège : il s'agit des peïriés, bergers spécialisés dans la construction des "orris", c'est-à-dire des complexes de bâtiments et d'installations en pierre sèche des estives.

3. Maçons professionnels
A côté du semi-professionnel, on trouve le professionnel, soit un artisan-maçon non spécialisé faisant le tout venant de la construction rurale, soit un maçon spécialisé de la pierre sèche.

La présence ou l'absence de liant ne modifiant pas fondamentalement les principes de la maçonnerie, on peut penser que des maçons ordinaires sont à l'origine d'un certain nombre de cabanes.

L'existence de maçons professionnels à pierre sèche est dûment attestée pour le Languedoc et la Provence. Il est vrai que la tradition de construire à sec y est ancienne. Des textes notariés languedociens de la fin du 16e siècle et du début du 17e parlent de "clapasses de pierre essuyte", de "capitelle à pierre essuyte". Des actes provençaux de la deuxième moitié du 17e siècle parlent, de "murailles ou restanques de pierre sèche" à Comps dans le Var, de "cabanes de pierres sèches couvertes de paille" à Sault dans le Vaucluse. Ces maçons ont l'état d'artisans.

3. Puisatiers
Tant en Languedoc qu'en Provence, où les puits, en plus d'avoir leur conduit maçonné à pierres sèches, sont souvent couverts d'un édifice voûté par encorbellement, les puisatiers devaient connaître, entre autres techniques nécessaires à l'exercice de leur métier, celles de la construction à sec. Hélas, les renseignements nous font défaut sur ces professionnels. Les seules informations disponibles concernent des puisatiers amateurs, à savoir des viticulteurs ayant œuvré dans l'Hérault dans la première moitié du 20e siècle, en construisant des puits soit pour eux-mêmes, soit pour des voisins, et ayant appris leur tour de main dans leur jeunesse en servant de manœuvres à des puisatiers professionnels.

4. Compagnons-maçons
Il n'est pas jusqu'au Compagnonnage qui ne soit évoqué en rapport avec les maçons à pierre sèche.

Henri Broch, dans un livre publié en 1976 sur la "pyramide" de Falicon dans les Alpes-Maritimes, rapporte, à propos des "boutigons" du département, que ce type de "construction, d'un savant et puissant équilibre, a même servi autrefois de chef-d'oeuvre aux compagnons maçons et terrassiers afin d'être admis dans la corporation".

5. Carriers
Les carriers sont parfois évoqués à propos de la construction des bâtiments qui nous intéressent. Certaines cabanes en pierre sèche ou cabornes du Mont d'Or lyonnais, édifiées avec des déchets de carrière à proximité de déblais, sont l'œuvre de carriers et de tailleurs de pierres.

Ce sont également des carriers qui seraient à l'origine des cabanons pointus visibles autour des anciennes carrières de Mane dans les Alpes-de-Haute-Provence.

Enfin, certaines cabanes du Premier Plateau jurassien (à l'est de Lons-le-Saunier dans le Jura) seraient l'œuvre de paysans s'employant dans les carrières locales où ils auraient acquis un tour de main de carrier.

Ces textes sont extraits de l'oeuvre de Christian Lassure - professeur agrégé -

Voir les sites   pierreseche.com et pierreseche.chez-alice.fr

Quelques photos 

 photoAbri pierre sèche Yonne auteur inconnu photo Michel RouvièreAbri sous dalle Ardèche
 Cabane de vigneronphoto auteur inconnu borie en Provencephoto auteur inconnu
 cabane en Dordogne photo C. Rosik cabane en Ardèchephoto auteur inconnu
 photo auteur inconnuborie en Provence grande borie en Provencephoto Andreas Tille

Quelques noms de cabanes ou d'abris

baita (Cévennes)
barracon (Cévennes gardoises) abri de cantonnier, baraque
bòrda (Gascogne, Périgord) maisonnette des champs
bordeta
1/ bergerie de montagne (Ariège), fenil servant parfois d'habitation estivale;
2/ ferme, métairie (Limousin, Gascogne, Béarn), en fr. loc. "borde"
borie (Provence)  masure, cahute;
buron (Cantal, Rouergue) cabane en montagne où l'on prépare le beurre et le fromage,
chebana (Dordogne)
maison rudimentaire couverte en chaume ou en pierres plates, cabane;
cabanon (Aveyron, Vaucluse, Bouches-du-Rhône)
cabanon ponchut (Alpes-de-Haute-Provence) cabane des champs (de vigneron, de cultivateur, etc.),
casèl (masc.) et casèla (fém.) (Méjan occidental) (var. chasèl (masc.) et chasèla (fém.), Méjan oriental) cabane champêtre (de vigneron, de berger, de cantonnier), en fr. « caselle » « cazelle »
gabitèla (fém.) (Gévaudan) cabane en pierre sèche servant d'abri ou contenant un cuvier dans un champ ou une vigne, en fr. "capitelle"
casalet (Rouergue)
tavernal (Aveyron) maisonnette, cabane de vigne avec cave au rez-de-chaussée
tona (Auvergne)cabane de jardin ou de vigne, en fr. " tonne"

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